Estimated reading time:min
Avec la découverte des premières exoplanètes dans les années 90 un nouveau champ d’exploration de l’astrophysique moderne est apparu. Aujourd’hui, de nombreux projets ou instruments, que ce soit au sol ou dans l’espace, sont dédiés à l’étude de ces mondes orbitant autour d’autres étoiles que le Soleil.
L’instrument MIRI installé sur le télescope James-Webb permet de pointer directement certaines de ces exoplanètes connues afin d’analyser leur atmosphère. Que ce soit pour des exoplanètes en orbite très proche autour de leur étoile, ou bien celles évoluant à plusieurs dizaines d’unités astronomiques, la gamme spectrale couverte par MIRI est totalement inédite pour ces objets en astrophysique, et doit permettre d'atteindre des sensibilités inégalées.
En effet, l’infrarouge moyen est un domaine qui permet d’accéder à l’émission thermique des atmosphères d’exoplanètes qui contient des signatures moléculaires comme le méthane, l’ammoniac ou la vapeur d’eau pour les plus répandues, ce qui permet notamment de mieux comprendre la formation des exoplanètes.
[Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui.]
La découverte de la première exoplanète autour d’une étoile de type solaire, a fait grand bruit dans la communauté scientifique. C’est un résultat qui était attendu depuis longtemps : l’existence des exoplanètes avait été formulée dès l’antiquité.
Les découvreurs de l’exoplanète 51 Pegasi b ont d’ailleurs reçu en 2019 le prix Nobel de physique. Et pourtant il a fallu un peu de temps pour qu’on accepte l’idée qu’une planète de la taille de Jupiter puisse orbiter à seulement 5 centièmes d’unité astronomique (une unité astronomique est de 150 millions de kilomètres, soit approximativement la distance Terre-Soleil) d’une étoile de type solaire. Pour comparaison, Mercure, la planète tellurique la plus proche de notre Soleil, en est séparée d’environ 4 dixièmes d’unité astronomique, et elle est nettement plus petite que 51 Peg b qui elle est une géante gazeuse. 51 Peg b était la preuve que des planètes pouvaient se former à grande distance de leur étoile et migrer ensuite vers l’intérieur des systèmes.
Dès 1992, trois planètes avaient été détectées autour d’un pulsar, mais sans être bien acceptées par la communauté, car un pulsar est une étoile très dense qui tourne très vite sur elle-même, résidu de l’explosion d’une étoile. Comment des planètes orbitant autour de pulsars auraient-elles subsisté à la phase finale destructrice d’une étoile massive ? Se seraient-t-elles reformées à partir des restes de la supernova ? Si l’existence de ces planètes est aujourd’hui confirmée, ces questions subsistent.
On connaît maintenant presque 5000 exoplanètes, et elles ont des propriétés très diverses.
Leur masse peut varier de la masse de la Lune à environ 10 fois la masse de Jupiter, mais celles de quelques masses terrestres sont les plus abondantes. Certaines orbitent autour de leur étoile en quelques jours seulement, voire moins d’une journée terrestre. La majorité d’entre elles se situe entre 0,05 et 3 unités astronomiques, mais on en détecte jusqu’à plusieurs centaines d’unités astronomiques de leur étoile.
On peut mesurer l’effet d’une planète sur son étoile sans « voir » cette planète – ce sont des méthodes de détection indirecte.
51 Pegasi b fut la première « Jupiter chaude » (c’est-à-dire une grosse planète gazeuse très proche de son étoile) détectée par la méthode des vitesses radiales.
Dans cette méthode, le fait que l’étoile et une planète orbitent autour de leur centre de masse provoque un déplacement de l’étoile dans l’espace. Celui-ci se traduit par une variation périodique de la vitesse de l’étoile, détectable avec des spectrographes à très haute résolution, capables de voir « bouger » les étoiles sur leur ligne de visée, grâce à l’effet Doppler, avec des précisions d’environ 1 mètre par seconde. On détermine ainsi l’orbite de la planète ainsi qu’une estimation de sa masse. Pour prendre l’exemple de Jupiter, elle modifie la vitesse du Soleil de 13 mètres par seconde. Plus la planète est proche et massive, plus cette vitesse est élevée.
Quand une planète passe devant son étoile, elle éclipse un peu sa lumière. La méthode « des transits » permet de détecter une baisse périodique de la luminosité de l’étoile si le plan de l’orbite est aligné avec l’observateur. C’est une condition rare : pour améliorer les statistiques, les satellites scrutent des centaines de milliers d’étoiles.
La baisse de luminosité de l’étoile est liée au rayon de la planète et il faut être capable de mesurer des variations photométriques de l’ordre de 1 pour 10000. Pour cela, les instruments spatiaux, qui ne sont pas soumis à l’influence de l’atmosphère, sont nécessaires.
La planète CoRoT-7b est l’une des premières planètes telluriques découvertes grâce à cette méthode des transits, avec le satellite CoRoT en 2009. Elle appartient à la catégorie des « super Terres », des planètes dont la masse est comprise entre 1 et 10 fois la masse de la Terre. Elle est tellement proche de son étoile qu’elle en fait le tour en 0,85 jour terrestre et sa surface est probablement de la roche en fusion.
Le système Trappist-1, emblématique de la technique des transits, contient sept planètes, toutes sont probablement telluriques et certaines se situent dans la fameuse zone habitable : là où l’eau, si elle était présente à leur surface, pourrait être liquide. Attention toutefois à ne pas confondre Trappist-1 avec le système solaire. Son étoile est une naine M à peine plus grosse que Jupiter et les notions d’habitabilité pourraient être très différentes de celle rencontrées sur Terre.
Trappist-1 est une cible de choix pour MIRI, qui a pour objectif d’analyser l’atmosphère des exoplanètes.
Pour cela, il est nécessaire de « voir » les planètes directement, c’est-à-dire de mesurer leur lumière. Le choix de la longueur d’onde d’observation détermine le type d’information obtenue sur l’atmosphère, l’infrarouge donnant accès aux absorptions moléculaires.
MIRI exploite deux techniques de détection directe chacune adaptée à un type bien spécifique d’exoplanète.
La plus évidente consiste à former une image où l’on distingue la lumière de l’étoile et celle de la planète, ce qui est souvent problématique à cause du phénomène de diffraction de la lumière, qui « élargit » les images : l’image formée par le télescope d’une planète et de son étoile ont tendance à se mélanger et il est difficile de détecter un objet si faible à côté d’un objet si brillant.
La solution consiste alors à supprimer la lumière de l’étoile, à l’aide d’un système optique : le coronographe. Initialement inventé par Bernard Lyot en 1930 à l’observatoire de Meudon pour observer la couronne solaire, le coronographe a évolué vers une version stellaire.
Les coronographes de MIRI utilisent un principe interférométrique. Aucune exoplanète n’a pour le moment été imagée en infrarouge moyen, et MIRI ouvre donc le domaine de la coronographie infrarouge.
Dans ce régime, le contraste entre l’étoile et sa planète est plus favorable, et les coronographes de MIRI sont conçus pour mesurer les propriétés physico-chimiques des exoplanètes géantes jeunes, notamment leur température et la présence de certaines molécules comme l’ammoniac ou le méthane.
En revanche, dans l’infrarouge, il est plus difficile de distinguer deux objets proches : les exoplanètes observées par MIRI seront nécessairement éloignées de leur étoile, typiquement au-delà de 10 unités astronomiques (soit à peu près la distance de Saturne dans le système solaire).
Par exemple, MIRI observera le système HR 8799 qui contient quatre planètes géantes, situées entre 15 et 70 unités astronomiques, avec des masses comprises entre environ 7 et 10 masses de Jupiter.
La méthode des transits permet aussi d’étudier les atmosphères exoplanétaires.
Quand la planète passe devant l’étoile, la lumière de l’étoile traverse l’atmosphère de l’exoplanète et son spectre est modifié : on mesure l’absorption due à l’atmosphère de la planète.
Réciproquement, lorsque la planète passe derrière l’étoile, on mesure (par soustraction) l’émission thermique de l’atmosphère de la planète, c’est-à-dire les photons émis directement par la planète en lien avec sa température (loi du corps noir).
Ces deux mesures sont complémentaires et peuvent dans certains cas être obtenues pour une même exoplanète. Le spectrographe à basse résolution de MIRI déterminera les molécules présentes, leur abondance, et la structure en pression et température de l’atmosphère. Les planètes géantes seront les cibles privilégiées de cette méthode de « spectroscopie des transits », mais on espère également sonder pour la première fois en infrarouge moyen l’atmosphère de planètes telluriques, en particulier celle de la fameuse Trappist-1b.
Anthony Boccaletti, Directeur de Recherche CNRS au LESIA, Observatoire de Paris-PSL, CNRS, Université Paris Cité et Pierre-Olivier Lagage, Chercheur CEA au Laboratoire Astrophysique, instrumentation, modélisation du CEA, CNRS, Université Paris Cité